En signant au bas d’une feuille, refermer une parenthèse un peu trop longue peut-être. Dire adieu à ce qui fut et s’en aller, en portant dans son cœur, puisqu’on n’est ni tortue ni escargot, un ballot suffisant de souvenirs.
En rentrant, le soir, attraper le livre de François Cheng sur la peinture chinoise emprunté l’autre jour à la Bibliothèque du Clos St Louis. Il s’ouvre page 128, pour qu’on puisse lire cette poésie de Wang Wei :
Du haut de la terrasse, pour dire adieu ;
Fleuve et plaine perdus dans le crépuscule
Sous le couchant reviennent les oiseaux
L’homme, lui, chemine, toujours plus loin.
françois cheng - Page 3
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Toujours plus loin.
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La pluie l’après-midi.
Sur la route de St Cyr, prendre les petits chemins de traverse et passer par Ste Trinide car on voudrait bien retrouver le magnifique mimosa dont on a gardé depuis l’an dernier le souvenir.
Poser la voiture quelque part, et partir à pied. Il pleut. Le ciel est gris. Les arbres sont fouettés par le vent. C’est l’hiver dans le Sud, mais il y a toujours un éclat de lumière quelque part : dans le feuillage vert bronze des oliviers, dans quelques fleurs de forsythia qui ont fleuri un peu tôt, et voilà, dans ce mimosa-là, celui qu’on cherchait. Il semble aussi ancien qu’un chêne royal des forêts et les boules jaunes sont bellement gorgées de pluie qu’elles retiennent pour abriter un instant la promeneuse ébahie. Un oiseau, tout près, sautille dans les flaques de la route étroite qui part serpenter dans la colline et boit en picorant. Il transmet sa joie.
Du sac à dos, on sort un livre de poème de François Cheng, La vraie gloire est ici :
Flaque de lumière
Flaque d’eau,
Au sein de l’éternelle rotation des astres,
Cette brève flamme chasse la lente grisaille
D’un après-midi.
Flaque de lumière,
Flaque d’eau,
Attirant quelques moineaux : leurs gazouillis
Rappellent un instant le bonheur terrestre :
La soif étanchée.